La Mort de la Terre est un roman de science-fiction écrit en 1910 par Rosny aîné (Belgique). Il a été publié en feuilleton dans la revue Sciences et voyages en 1930.
5 ans après la mort de Jules Verne, chantre du progrès positiviste, J-H Rosny aîné signe l'une de ses meilleures œuvres, et l'une de celle qui conserve la plus grande actualité. Prenant à contre-pied la croyance que le progrès scientifique amènerait le bonheur à l'humanité, il décrit au contraire une race humaine qui s'est auto-détruite à force de surexploiter la planète. Inquiétante et désespérante, cette œuvre conserve plus que jamais son caractère d'avertissement.
Pour ma part, j'ai réellement commencé à apprécier la science fiction à la lecture de cette histoire. Je me souviens encore de trouver un exemple à Emmaüs, j'avais neuf ans. Je me suis littéralement plongé dans ce récit incroyable, cette histoire prenante et tragique. J'aime toujours autant suivre les aventures exaltantes de Targ, suivre lui et les siens qui constratent avec l'humanité de leur temps. Quand j'étais collégiens, je lisais La mort de la Terre tous les mois, voir plusieurs fois par mois, mon exemplaire ne quittait jamais mon sac.
Ecrit au début du vingtième siècle, La mort de la terre est devenu un classique de la science-fiction. C’est un court récit qui projette le lecteur dans un futur très lointain. Plusieurs millénaires après notre ère, l’humanité se meurt simplement parce que l’eau disparaît. On pourrait s’arrêter à l’aspect purement écologique, précoce et visionnaire pour vanter les qualités de ce livre. Pourtant sa force principale est ailleurs, pas vraiment dans le récit catastrophe.
Ce qu’il y a de formidable dans ce livre, c’est l’ambiance de fin de règne qui émane du texte. Une race se meurt, surtout que l’humanité dépeinte par Rosny est accablée, vaincue et résignée à sa disparition et parfois suicidaire alors qu'elle pourrait continuer la lutte. Il se crée entre cette humanité et Targ le personnage principal, un contraste fort. Ce héros est différent de ses semblables en ce qu’il regorge de ce qui fait la force de notre espèce : l’ambition, l’espérance, la foi, la passion. Targ est vivant dans son combat contre la fatalité de l’extinction. Il est aussi mélancolique, quelque part poétique et tragique dans son combat contre la fatalité de l’extinction, dans sa solitude vis-à-vis de la quasi-totalité de ses compatriotes – excepté notamment sa soeur.
Le paysage désertique, désolant de fin du monde, le contexte apocalyptique embrassent d’une certaine façon, la mélancolie du personnage, sa solitude, son caractère héroïque. Il faut se remémorer la date de création de l’œuvre pour encore plus apprécier à sa juste valeur l’effort de projection, d’imagination de l’auteur qui en fin d’ouvrage annonce l’avènement d’une vie nouvelle, indirectement issue de l’activité des Hommes.
Le livre fait aussi preuve de poésie. La plume de l'auteur est merveilleuse. Aussi précise que légère, les descriptions deviennent des images dans la tête du lecteur. J'ai toujours l'impression d'être à côté des personnages quand je lis ce livre. La beauté silencieuse du monde souterrain, craint et vénéré par les Hommes, parfois le physique d'une femme, même le désert ou encore le ciel étoile, autant d'éléments merveilleusement présentés. Nous sommes plongés dans le personnage de Targ, on suit ses sentiments, l'évolution de ceux-ci, on perçoit son amour de la vie et de sa promise, son espoir, sa détermination, sa tristesse et sa résignation.
Points forts du récits:
- prendre en compte l'évolution des espèces, même celle humaine. Cela peut nous paraître anodin, mais pour l'époque, avec une société encore assez religieuse c'est une véritable révolution dans le récit. Des éléments décrits dans l'histoire nous font penser que l'auteur a été un lecteur convaincu des idées de Darwin;
- l'extinction de l'humanité: cette histoire rappel que l'Homme n'est rien face à la nature, que notre espèce n'est pas capable de tout contrôle et qu'un jour, malgré notre science et nos savoirs, le monde peut se retourner contre nous;
- création d'une nouvelle espèce parfaitement adapté au nouveau visage du monde décrit dans l'histoire mais dont le lecture ne sait que peut de choses. L'humanité du récit dispose de peu de connaissances sur cette nouvelle espèce. D'un côté l'Homme vit dans des oasis et cette espèce dans le désert, si l'humanité craint la nouvelle espèce, on ignore ce qu'elle pense de l'humanité (on ignore même si elle pense);
- l'auteur n'insiste pas sur les causes des séismes (inconnues à l'époque de la rédaction , en effet la théorie de la techtonique des plaques ne date que de 1967 environs);
- la capacité de l'auteur à imaginer des technologies inconnues à l'époque. Aujourd'hui, il serait chose aisée pour un écrivain de SF que de décrire les éléments présentés dans ce récit, mais à l'époque non.
La lecture est rapide, mais je ne peux que vous conseiller de lire ce livre. Cette histoire fut longtemps ma préférée, maintenant dépassée par Nausicaä de la vallée du vent, mais elle garde une place spéciale dans mon coeur. Pour entrer correctement dans le récit, il faut se souvenir de la date de rédaction comme je l'ai expliqué briévement déjà.
140 pages de pur bonheur.
Vous pouvez le lire ici:
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Mort_de_la_Terre
- Spoiler:
Invictus
Dans les ténèbres qui m'enserrent
Noires comme un puits où l'on se noie
Je rends grâce aux dieux, quels qu'ils soient
Pour mon âme invincible et fière.
Dans de cruelles circonstances
Je n'ai ni gémi ni pleuré
Meurtri par cette existence
Je suis debout, bien que blessé.
En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l'ombre de la Mort
Je ne sais ce que me réserve le sort
Mais je suis, et je resterai sans peur.
Aussi étroit soit le chemin
Nombreux, les châtiments infâmes
Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme.
William Ernest Henley (1843-1903)