Va-t-on vers une surveillance généralisée d'Internet ? Une surveillance non pas américaine mais bien française... La loi de programmation militaire adoptée mardi soir inquiète au plus haut point les professionnels du Net.On ne parlait que de cela ou presque hier dans les allées de la conférence Le Web à Paris. L'Etat français serait en train de mettre en place une "dictature numérique", selon les propres termes de Gilles Babinet, responsable du numérique pour la France auprès de la Commission européenne. "Une surveillance généralisée des citoyens", selon l'association d'entrepreneurs Renaissance Numérique. Un "Fukushima des données personnelles", selon l'activiste Jérémie Zimmerman. Bref, des libertaires de la Quadrature du Net au Front national en passant par le Medef, c'est une véritable levée de bouclier.
De quoi s'agit-il ?C'est un tout petit article de la loi de programmation militaire actuellement en discussion au Parlement, l'article 13, qui a mis le feu aux poudres. Cet article élargit la collecte des données personnelles détenues par les opérateurs Internet, fournisseurs d'accès mais aussi plateformes d'échange comme les réseaux sociaux. Désormais, n'importe quel fonctionnaire de l'Intérieur, de la Défense, de l'Economie et des finances et du Budget pourra avoir accès, après avoir été accrédités, à toutes ces données.
Les opposants craignent que cela débouche carrément sur une collecte en temps réel qui se ferait donc en dehors du contrôle des juges. Un véritable Prism à la française qui ferait presque passer les abus de la NSA américaine pour une plaisanterie.
En plus, cette nouvelle disposition va bien au delà de la lutte contre le terrorisme. Elle concernerait tout ce qui touche à la lutte contre la criminalité, la délinquance organisée, voire, comme l'indique l'article 13, la préservation du "potentiel scientifique et économique de la France".
Exil numérique en Suisse ?Les défenseurs du projet affirment au contraire que cela clarifie le cadre légal des interceptions dans le respect de la vie privée. N'empêche, la CNIL, la Commission Nationale Informatique et Libertés désapprouve et déplore de ne pas avoir été saisie. Quant aux entreprises du numérique, dépositaires des données personnelles de leurs utilisateurs, elles, se sentent directement menacées.
Hier, à la conférence Le Web, un grand acteur français de l'Internet nous confiait qu'il avait pris sa décision et qu'il allait transférer toutes ses données sur des serveurs informatiques situés... en Suisse. Ce serait la seule solution, selon lui, pour échapper aux grandes oreilles de l'Etat français.
Mais ce tollé de protestation n'a pas eu raison de la loi qui a été adoptée hier soir en l'état après un vote au Sénat
Source : http://www.franceinfo.fr/high-tech/nouveau-monde/l-industrie-du-net-vent-debout-contre-les-grandes-oreilles-francaises-1244739-2013-12-11
.
La LPM a été adoptée mardi par le Sénat. Son article 13 provoque cependant l'inquiétude chez les acteurs de l'internet français.La loi de programmation militaire met en place le cadre législatif et budgétaire de la défense et du renseignement pour la période 2014-2019. Elle a été adoptée par 164 voix contre 146 dans des termes identiques à ceux votés par l'Assemblée. Arguant qu'il mettait à mal la protection des droits et libertés invidivuels, les Verts avaient tenté de s'opposer à son article 13 en déposant un amendement demandant sa suppression, amendement rejeté par les sénateurs.
La CNIL pas consultée pour le momentCet article 13 étend le champ d'accès aux données détenues par les fournisseurs d'accès Internet et par les hébergeurs. En clair, cela autoriserait le ministère de l'Économie et des Finances, la police et la gendarmerie, à accéder directement aux données téléphoniques et informatiques sans qu'une décision de justice ne soit nécessaire. Il leur suffira d'évoquer la lutte contre la criminalité, la délinquance organisée et même la préservation du « potentiel scientifique de la France. »
L'ASIC demandait un moratoireLes acteurs du web français, qui avaient évoqué leur émoi lors de l'adoption de la mesure par les députés la semaine passée, ont donc vivement réagi. Alors que la Cnil a regretté de ne pas avoir été consultée au sujet de cet article, l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) avait appelé à un moratoire «sur toute nouvelle mesure de surveillance touchant les données Internet » et, en parallèle, avait demandé aux parlementaires de « s’assurer que ce nouvel accès ne concernait pas les données de contenu, comme les courriers électroniques, les photos, les documents non publics, etc. stockés par les hébergeurs sur leurs serveurs. »
« Interrogations en terme de protection des libertés »« En se focalisant sur la question des factures détaillées (FADET) et de la géolocalisation, les sénateurs ont oublié que ce texte ne s’appliquait pas seulement aux opérateurs de télécommunications, mais bien à tous les intermédiaires de l’internet. En créant, pour les services de renseignement, un accès à toutes les données conservées par les hébergeurs et non plus aux seules données techniques, la France vient de fragiliser cette filière et de soulever de nombreuses interrogations en terme de protection des libertés » a indiqué l'ASIC dans un communiqué, appelant les députés et sénateurs à « saisir le Conseil constitutionnel. »
"Dictature numérique"Du Medef, qui a dénoncé « une grave atteinte à la confiance que l'ensemble des acteurs doivent avoir dans l'Internet », au responsable du numérique pour la France auprès de la Commission européenne Gilles Gabinet, pour qui l'Etat français serait en train de mettre en place une«dictature numérique », en passant par l'association d'entrepreneurs Renaissance Numérique, tout le secteur s'inquiète ouvertement. « Ce n'est pas parce qu'une loi s'appelle “programmation militaire” qu'elle doit mettre tout le monde au garde-à-vous ! », s'est indigné Renaissance Numérique, sur son site web.
Exode des serveurs en Suisse ?Des inquiétudes auxquelles Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Sueur ont tenté de répondre. « Les libertés publiques seront présentes, tout en maintenant l'efficacité opérationnelle du dispositif », a déclaré M. Le Drian. Le président de la commission des Lois au Sénat, Jean-Pierre Sueur, juge pour sa part que la loi de programmation militaire « accroît les garanties et contrôles en matière d'accès aux fadettes et d'opérations de géolocalisation », rappelant aussi qu'avant son application en janvier 2015, elle devra faire l'objet d'un décret d'application qui sera soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Pas sûr que cela suffise pour rassurer le web français. Un acteur majeur a d'ailleurs confié à France Info, lors de la conférence Le Web, mardi à Paris, envisager de localiser ses serveurs en Suisse, afin de s'affranchir de ces nouvelles mesures.
Sur Twitter, on peut également constater que la pilule a du mal à passer chez les internautes, autour du hashtag #article13
Source : http://www.ouest-france.fr/loi-de-programmation-militaire-le-web-francais-sinquiete-1780549
"Equipe de modération du forum"
collections en vidéo :
https://www.tiktok.com/@seb_geeklife?lang=fr