André sursauta.
"_Quelle est ta décision ?" Répéta la voix tremblante.
Il se retourna lentement. Cette voix douce il la connaissait. Cette voix qui réchauffait le cœur. Celle d'une mère, douce, fragile et tellement forte à la fois. Il fixa Louise de Jarjayes sans savoir quoi lui répondre. Il aimait beaucoup la comtesse. Elle était douce comme une brise de printemps, chaleureuse comme un rayon de soleil. Il aurait aimé avoir une mère comme elle. Une mère qui vous épaule, vous soutient.
_"Madame de Jarjayes, je ne sais que vous répondre. L'idée de Monsieur votre époux est farfelue…
_Mais les termes de l'arrangement sont acceptables. Je vous en prie André, acceptez "
Sa voix s'était faite suppliante. Il comprit alors que la fameuse condition fixée par le Général n'était pas son idée. Non, c'était une stratagème pour lui faire accepter un mariage que l'on pourrait juger comme nature. Madame de Jarjayes, en fin stratège, avait su ménager les intérêts des deux camps. Et tout cela dans le but de sauver sa fille.
_"Madame…Je ne sais pas quoi penser de tout cela. Mon cœur me crie d'accepter ceci mais ma raison me dit qu'il faut y réfléchir. Et puis que dire à Oscar. Marions nous pour le bien de ta descendance !
_Je ne pense pas qu'il soit judicieux de parler ainsi à Oscar. Mieux vaut y aller avec prudence mais sans pour autant lui mentir ou essayer d'arranger les faits. Elle le verrait tout de suite et se braquerait d'entrée de jeu. Non, mieux vaut être franc avec elle. Cela vous vaudra d'essuyer une violente tempête, elle n'a point un caractère facile, mais une fois calmée elle réfléchira à cette proposition. Je vous conseille d'y aller doucement dès demain matin. De lui parler avant que les événements ne prennent une tournure que vous pourriez tous deux regretter amèrement.
_Elle n'acceptera pas. Elle va se braquer et refuser tout net comme pour la demande en mariage de Monsieur de Girodel.
_Elle a refusé la demande de Monsieur le comte car celui-ci lui a fait une déclaration un soir qu'il la raccompagnait. J'ai eu des échos de ceci par une de mes amies. Si vous l'affrontez son cœur s'ouvrira. Je suis certaine que son cœur s'ouvrira…"
Madame de Jarjayes s'assit sur le bord du lit d'André. Elle le fixa un instant et sourit au jeune homme avec bienveillance. André se dit qu'Oscar avait ce même sourire de bienveillance lorsqu'elle veillait comme une louve sur Marie-Antoinette.
_"Son destin est entre tes mains…Quelle est ta décision ?"
André ne répondit rien. Il n'hésitait pas par rapport à la perte de son nom. Son nom ? Que pouvait bien valoir son nom en comparaison de celui des Jarjayes ? Il n'était pas noble, ne le serait jamais et aucun prestige ne lui était attaché. Non, ce qu'il redoutait par-dessus tout "tait la réaction d'Oscar. Certes, elle avait été émue, peut-être bouleversée, de le voir risquer sa vie pour sauver la sienne face à son père. Mais se pouvait-il qu'elle ressente quelque chose pour lui autre que de l'amitié. Il ne le pensait pas. Après ce fameux soir où il l'avait malmenée tout avait changé entre eux.
_"Que faire ?" murmura t'il.
_"Que faire par rapport à quoi André ? Par rapport à la condition que pose mon père ?"
André cru mourir à l'entente de cette phrase. Cette voix si tendrement chérie lui posait à son tour cette question. Que voulait-il ? Qu'allait-il faire ?
_"Oscar…
_André, comme toujours tu es indécis. Tu ne prends pas de décision attendant peut-être, encore une fois, qu'il ne soit trop tard, que la peine soit trop lourde à porter, pour te décider. Mais enfin que se passe t'il André ?
_Oscar…Est-ce que tu acceptes cette condition ?
_Accepter serait me soumettre encore une fois à la volonté de mon père. Refuser serait une trahison de plus. Vois tu je suis prisonnière de ton choix. Ne suis-je donc qu'une poupée avec laquelle on joue sans se soucier de ses sentiments ?
_Non, Oscar ! Je ne joue pas avec toi ! Je t'aime tant Oscar ! Je n'ai jamais aimé que toi et je t'aimerai jusqu'à mon dernier souffle. Je veux que tu sois heureuse…Oscar ? "
Mais elle était déjà loin. Volant plus que courant elle regagna ses appartements. Elle se jeta sur son lit et enfouit son visage dans ses oreillers. Elle n'était pas triste ni même en colère contre André ou ses parents. Elle ne savait plus quoi penser de toute cette affaire.
_" Je ne sais plus quoi penser. Je ne sais pas ce qu'il faut que je fasse. Comme c'est étrange. Je sens mon cœur s'agiter, tourner au gré du vent telle une girouette. Je crois que je t'aime André. Monsieur de Fersen était une chimère que je poursuivais pour mieux me voiler la face. Je ne pouvais pas voir tes sentiments, toute l'affection que tu me portes, ton attachement viscéral à moi. André je suis tellement désolée de tout ce qui a pu se passer entre nous. Pourtant….Accepter les conditions de mon père serait me soumettre encore une fois à sa volonté…Je ne veux plus me soumettre et pourtant il consent …"
Oscar se retourna dans son lit. Fixa la porte de sa chambre. Elle ne la voyait pas par cette nuit sans lune impossible de distinguer quoique ce soit. Elle finit pas s'endormir. La journée avait été épuisante et les prochaines s'annonçaient tout autant difficiles.
André n'avait pas osé frapper à sa porte. Il la regardait intensément. Que faisait elle ? Peut-être qu'elle dormait car aucun bruit ne filtrait de la pièce. Non elle ne dormait pas il le savait. Elle devait être assise devant son piano ou allongée sur son lit. Elle réfléchissait à cette étrange affaire. Elle ne devait pas être en colère sinon il l'entendrait marcher nerveusement. Elle devait très probablement être allongée sur son lit car elle ne s'était pas décidée à jouer du piano. Il leva la main pour frapper mais se ravisa. Il poussa doucement la porte de sa chambre et se dirigea doucement vers son lit. Elle était là, reposant en paix, exténuée.
"Oscar je donnerai ma vie pour toi…Je t'aime"
Elle ouvrit doucement les yeux tirée de son sommeil par ces mots.
"Moi aussi je t'aime…"
Oscar regarda André. Elle avait peine à bien distinguer son visage dans l'obscurité. Elle de redressa doucement, sans un mouvement brusque, s'approcha doucement du bord de son lit. André la laissa venir à lui n'osant bouger de peur de l'effrayer. Il n'avait pas entendu les mots d'amour prononcés par Oscar.
_"Que comptes tu faire André ? Accepter la proposition de mon père ?
_Je ne peux pas l'accepter Oscar…Je…
_Comment ?!"
Oscar se leva d'un bond. Comment ça il ne pouvait accepter ? Son père lui donnait sa bénédiction et lui la rejetait. Il se payait le luxe de refuser une occasion en or, une occasion inespérée qui plus jamais ne se représenterait. Etait-il fous ? L'avoir fait tant languir, l'avoir tant torturé lui avait il oté la raison ? Non ce n'était pas ça.
Oscar reprit la parole d'une voix tremblante.
_"André…Je ne comprends pas. Ton père te donne ce que tu as toujours voulu, moi. Comment peux tu refuser ? As-tu perdu la raison ? Ou serait ce autre chose. Ne m'aimes tu pas ? Ou devrais je dire m'aimes tu encore ?
_Je n'ai ni perdu la raison ni perdu mon amour pour toi. Non je ne veux pas que tout ceci se passe ainsi. Accepter la proposition de ton père serait t'obliger à te soumettre encore une fois. En me donnant ta main il essaye encore une fois de te soumettre à son autorité. Il tente par un moyen détourné de te priver, à nouveau, de ta liberté de mouvement, de penser, de choisir ta vie. Oscar, je ne peux imaginer être celui qui permettra à ton père de t'enfermer à nouveau dans une cage. Ce rôle est bon pour un de ces nobles arrogants de la Cour mais pas pour moi…Pas pour moi qui t'aime comme un damné depuis tant d'année car je sais que je finirai par te perdre en acceptant. Je me moque bien de perdre mon nom au profit du tien. Je me moque éperdument de cette histoire de nom. Je ne me moque pas cependant de toi, de ton bonheur et de tes choix. Je dépose à tes pieds mon cœur maintenant c'est à toi de prendre la décision d'accepter ou non les conditions posées par ton père."
André reprit son souffle. Il n'osait pas regarder Oscar surprit de son audace à ainsi tout lui avouer. Fallait il qu'il l'aime pour ainsi se mettre à nu devant elle. Mais au fond cela avait il une quelconque importance puisque justement c'était elle.
_"André…Je suis tellement désolée de tout le mal que je t'ai fait. Je suis terriblement désolée. Je ne voulais pas te faire souffrir. Pourras tu me pardonner un jour ? Je sais combien ton cœur est pur et j'espère que tu pourras oublier mes fautes."
Oscar s'assit sur le bord de son lit et regarda André intensément. Il fallait qu'elle trouve le courage de lui dire ton son amour pour lui. Il ne fallait pas qu'elle soit lâche.
_"André…André….Je t'…"
_"André ! Mais que fais tu dans la chambre d'Oscar à une heure pareille ? C'est inconvenant ! Ma pauvre petite Oscar ce gredin est venu te déranger ! Il ne t'a pas réveillée, j'espère ?
_Grand mère ! Heu si…Enfin non ! J'ai fait un cauchemar et André m'a rassurée. N'est ce pas André ?
_Heu oui ! Je revenais …des cuisines. Oui j'ai bu un verre d'eau et j'ai entendu du bruit et je me suis inquiété pour Oscar. Je suis alors entré voir si elle allait bien.
_Tu vois Grand-mère, il n'y a rien de grave ! Et si tu allais te recoucher maintenant.
_Oui…Je vais aller me recoucher et vous devriez en faire autant. Bonne nuit mes petits.
_Bonne nuit Grand-mère !"
André allait quitter la pièce quand la voix d'Oscar se fit entendre.
_"André…Je n'ai pas envie de dormir seule cette nuit."
André la fixa n'osant croire à ces mots.
_"Tu sais….Les cauchemars.
_Ah oui…Les cauchemars !"