Le tombeau des lucioles

L'auteur de la Tombe des Lucioles (le roman) a laissé sa sœur mourir de faim parce qu'il gardait la nourriture pour lui, le ''Seita'' d'origine était donc loin d'être un pauvre gosse mis à la porte par une tante acariâtre. Seita survit dans l'œuvre originale, mais avec une culpabilité lourde qu'il tente de supporter en mettant en scène sa propre mort. À côté, la fin du film pourrait presque être vue comme positive.

Il y a une scène du film qui évoque le Seita du roman je trouve, notamment parce que le garçon consent à récupérer l'argent du compte en banque pour acheter de la bonne nourriture uniquement lorsque sa sœur se trouve au plus mal (et décède quelques heures plus tard).

À condition bien sûr qu'ils restent chez leur tante, dans ce cas avec le temps Seita serait devenu mature, aurait trouvé du boulot et ramené de l'argent. Je partais du principe qu'ils survivent à leur vagabondage. Je pense que personne n'aurait été prêt à les reprendre, après tout Seita est considéré comme un fugueur et donc un délinquant juvénile. Dans ces circonstances, il était bon pour la maison de correction et je t'assure que ce genre d'établissement après la fin de la guerre n'avait rien d'une colonie de vacance. Si vous voulez tout savoir sur les conditions de vie de ces maisons de correction, je conseille le manga Rainbow qui suit sept jeunes placés dans ces centres de redressement. Le Tombeau des lucioles est un film triste, mais le réalisateur cherche avant tout à ce que le spectateur prenne le recul nécessaire et comprenne les raisons qui ont conduit les enfants à mourir de la sorte. Mais j'ai l'impression qu'en France, le grand public préfère l'émotionnel à la raison. Encore récemment, une vidéaste sur YouTube avait évoqué ce film en parlant de cette question de la délinquance et plusieurs commentaires ont été très virulents à son égard, simplement parce qu'elle n'allait pas dans le sens ''C'est trop triste pour les enfants''.

La réponse à ta question est déjà dans le film : si elle avait été ce genre de femme, crois-tu qu'elle se serait encombrée de deux mineurs dans une période de disette ? Elle ne les exploite même pas en les obligeant à travailler du matin au soir, elle aimerait juste que Seita trouve un job pour aider la famille. Pourquoi sa cousine travaillerait dur et pas Seita alors qu'il est nourri et logé ? Après le fait qu'elle dise du tac au tac à Setsuko que sa mère est morte c'est une autre histoire, liée à la culture de l'époque. On ne s'attardait pas sur la psychologie de l'enfant, on ne souciait pas de ça tant en France qu'au Japon (ce domaine débutait à peine ses recherches). Certes elle paraît dure et humiliante vis-à-vis d'eux, mais qui ne le serait pas quand on a un foyer à gérer en temps de guerre, que le riz se fait rare, que les bombardements persistent, que l'avenir est incertain et que ton neveu de 14 balais n'en fiche pas une ? Je crois que n'importe qui aurait des propos durs à ce moment-là, sans pour autant désirer le départ et surtout la mort de ces deux jeunes. D'ailleurs lorsque Seita se barre, la tante s'inquiète pour Setsuko et leur avenir. Si elle ne leur vient en aide, c'est juste parce qu'elle ne connaît pas leur nouvelle situation et ne sait pas où ils se trouvent désormais.

Je vais rajouter quelques éléments aux analyses de veggie, analyses qui sont de qualité et qui prennent en compte de nombreux facteurs très justes.

Dans l'optique fin de la Seconde Guerre mondiale au Japon, au plutôt du point de vue purement japonais une guerre de 15 ans dans le Pacifique et en Asie de l'Est (oublions un peu la vision occidentale), le pays est sur le point de subir une invasion. En effet, les Américains préparaient l'invasion du Japon et des plans d'attaques avaient été préparés. Les Japonais ignoraient tout de la bombe atomique que les Américains possédaient et ne pouvaient en prévoir l'usage sur Hiroshima et Nagasaki (même si le film n'en parle pas, étant donné que les événements se passent bien avant).

Bref, une invasion du Japon laissait présager les éléments suivants:

- encore plus de destruction (villes et villages, infrastructures de transport, récoltes, dépôts de nourriture, stock de ressources diverses etc);

- encore plus de privations et donc encore plus de difficulté à survivre dans un tel climat. Surtout que les ultimes ressources que disposait le Japon seraient parties dans l'effort de guerre en cas de débarquement des Américains.

Donc clairement, des bouches inutiles ne cherchant même pas à donner un coup de main ne méritent pas de recevoir le peu que les gens possèdent. Je ne vais pas dire que la tante adopte le meilleur des comportement et que je suis d'accord avec sa manière de faire selon les valeurs qui sont nôtres, par contre, dans un tel contexte non seulement je comprends mais en plus je ferai de même.

Si l'on veut analyser une oeuvre ou le comportement d'un personnage il faut prendre la situation dans sa globalité, avoir des connaissances historiques et psychologiques, penser comme penserait une personne de telle nationalité dans tel contexte et surtout, rejeter notre manière de voir les choses. Et là, on commence à obtenir une analyse que l'on peut juger valable, car forcément incomplète, et oui, on ne peut pas penser à tout non plus ou maîtriser tous les facteurs de l'analyse.

Il ne faut pas confondre un jugement, qui n'est qu'un point de vue basé sur du ressentit et donc de l'irrationnel et une analyse qui elle, se base sur une réflexion neutre et qui mène à une véritable compréhension. Il faut être capable de dépasser le jugement pour justement basculer dans l'analyse et la compréhension.

Comme disait veggie, certaines des logiques d'aujourd'hui n'ont pas leur place dans une analyse portant sur le temps passé. Même aujourd'hui, ce délire du diplôme est à nuancer au Japon (juste après le lycée, des Japonais peuvent trouver des emplois qui leur permettent de vivre correctement). La logique de mener 50% d'une classe d'âge à un diplôme d'études supérieures en France est une absurdité sans nom et je le dis alors que je professeur (que de collège).

Dans un contexte de guerre comme dans le film, où les hommes manquent car ils sont sur les différents fronts (île du Pacifique, Asie du Sud-Est et Asie de l'Est), un jeune garçon pouvait très bien trouver un travail. Bon, à cette époque et dans ce contexte, un gamin aurait sans doute trimé comme un adulte et sans aucune considération pour son frêle physique, mais je pense sincèrement, sans pouvoir ici le prouver, qu'il pouvait effectivement trouver quelque chose.

Césare a écrit:

T'es d'accord Esus que y a beaucoup d'argent de gaspillé dans l'éducation nationale ?

Ce n'est pas le sujet mais si tu savais mon pauvre ... gaspillage est le maître mot de ce ministère.

bily a écrit:

Oui je comprends bien cela et c'est vrai, je suis peut être trop impulsif, ce que tu dis là est censé.

Mais quel travail Seita aurait il pu faire à 14 ans en temps de guerre ?

14 ans en 1945 c'était l'âge où les jeunes commençaient à bosser pour ceux qui n'avaient pas les sous permettant l'accès au lycée. En Suisse par exemple, tu avais les classes 7e, 8e, 9e qui correspondaient à des années supplémentaires après la sixième année (vers 11-12 ans) et qui n'était qu'un moyen pour ces jeunes d'attendre sagement d'avoir l'âge requis pour aller en apprentissage, à savoir 14-15 ans.

Pour Seita, entre le travail aux champs, les livraisons pour les boutiques comme disait Athenais... ce n'était vraiment pas ce qui manquait. Il aurait ainsi participé comme beaucoup à ''l'effort de guerre'', ce qui était loin d'être défavorable.