Dans la crainte d'une taxe, Google menace de plus référencer les médias français
Le géant de l'internet Google menace de ne plus référencer les médias français s'il devait payer une taxe similaire à des droits d'auteurs, un avertissement fraîchement accueilli par la ministre de la Culture, favorable à cette redevance demandée par les éditeurs français
Le cabinet de la ministre chargée de l'Economie numérique Fleur Pellerin reçoit ce vendredi des représentants de Google France sur ce projet, ainsi que sur les recommandations des 27 autorités européennes de protection des données en matière de confidentialité.
"Je suis un peu surprise par le ton de cette correspondance, qui s'apparente à une menace. Ce n'est pas avec des menaces qu'on traite avec un gouvernement démocratiquement élu", a réagi Aurélie Filippetti, après la publication par l'AFP de la lettre de Google au gouvernement.
Les éditeurs français ont demandé en septembre au gouvernement un projet de loi pour que les moteurs de recherche les rétribuent via des droits voisins, une sorte de prolongation des droits d'auteur, lors de l'utilisation indirecte de leurs contenus.
Le gouvernement allemand a adopté fin août un projet de loi similaire obligeant les moteurs de recherche à verser des commissions, à la satisfaction des éditeurs allemands.
Pour Google, cela reviendrait pour le groupe à payer pour chaque lecture d'un article, vers lequel le moteur de recherche aura redirigé l'internaute via Google Actualités ou par le moteur de recherche Google.
Le groupe "ne peut accepter que l'instauration d'un droit voisin pour le référencement de sites de presse français mette en cause son existence même et serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français", écrit le groupe dans un courrier daté d'octobre, envoyé à plusieurs cabinets ministériels et dont l'AFP s'est procuré une copie.
Le site rappelle qu'il "redirige quatre milliards de +clics+ par mois vers les pages internet des éditeurs" français.
"Aujourd'hui, des sites qui agrègent des contenus comme Google utilisent aussi la notoriété des éditeurs de presse, ainsi que ce qu'ils produisent. Il est donc légitime que les éditeurs de presse s'interrogent sur la manière dont il faut faire participer ceux qui diffusent leur contenu à leur financement", a souligné Mme Filippetti.
"Aujourd'hui la presse traverse une crise très difficile. Le lectorat part vers d'autres supports, notamment numériques, et pas forcément sur des journaux en ligne mais aussi sur des sites qui agrègent des contenus", a-t-elle ajouté.
"Ce n'est pas un secret"
Mais Google a réaffirmé jeudi soir qu'une loi taxant les moteurs de rechercher, en Allemagne comme en France, serait "très dommageable pour internet. Ce n'est pas un secret, cela fait maintenant trois ans que nous le disons publiquement", a dit un porte-parole de Google.
Les éditeurs de quotidiens et de magazines d'information politique et générale (IPG) ont déploré pour leur part que Google refuse "tout dialogue", dénonçant le "refus absolu de concertation de l'acteur dominant du marché".
"L'objectif est de trouver un compromis acceptable entre les intérêts économiques des régies des moteurs, et la valeur qu'apportent les sites d'informations à ces mêmes moteurs dans l'intérêt commun du développement des deux acteurs", a souligné l'association.
Vendredi, le cabinet de la ministre chargée de l'Economie numérique Fleur Pellerin recevra des représentants de Google France sur ce projet, ainsi que sur les recommandations des 27 autorités européennes de protection des données en matière de confidentialité.
Mme Pellerin effectue jeudi et vendredi un déplacement en Allemagne où elle doit "évoquer le projet" de taxation des moteurs de recherche avec son homologue allemande.
Dans son courrier, Google affirme qu'une telle taxe "aboutirait à limiter l'accès à l'information, à réduire le nombre de sites français référencés sur internet mais aussi à freiner l'innovation" et pourrait en outre "être perçue comme portant indirectement atteinte à la liberté d'expression".
Google juge également qu'elle serait "néfaste pour la promotion des contenus en langue française" et "réduirait considérablement le référencement des sites français au profit notamment des sites anglo-saxons, qui ne seraient évidemment pas soumis à une telle contrainte", rappelant que "sur la toile, ne pas être référencé, c'est sortir du radar".
Par ailleurs, à la bourse de New York, la plateforme électronique Nasdaq a dû suspendre la cotation de l'action de Google, qui a dévissé de plus de 10% à la publication de résultats trimestriels nettement plus mauvais qu'attendu, avec un bénéfice net qui s'est effondré de 20%, à 2,176 milliards de dollars.
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